Le V2 : entre innovation

et destruction

Le projet d'une bombe volante

 
 

       L' impact du nazisme

 

Les essais effectués à la « Raketenflugplatz » ne laissent pas indifférents deux hommes : le colonel Karl Becker et son adjoint Walter Dornberger, à qui l’armée de Terre a confié dès 1929 la responsabilité du Bureau des engins balistiques spéciaux. Ces spécialistes ont vite décelé l’intérêt des travaux menés par la « Verein für Raumschiffahrt » (VfR). Ils permettraient de mettre au point des armes nouvelles et de contourner l’un des principaux interdits figurant dans le traité de Versailles disant que la fabrication d’armes ne peut être possible que par l’accord des « Puissances Alliées ». Or les fusées ne sont pas spécifiquement désignées comme armes de guerre. L’armée allemande envisage dès lors l’emploi des fusées comme missiles balistiques ; l’idée est d’intégrer une bombe à l’intérieur même des fusées. C’est ainsi que ce conçoit le concept de « bombe volante ».

 

Becker aménage pour eux un centre expérimental de fusées à combustible liquide à Kummersdorf (situé à 25km de Berlin). Dornberger, quant à lui, est chargé de recruter des collaborateurs parmi la VfR pour le nouveau programme de l’Armée. Il rencontre en 1932 les trois meilleurs ingénieurs de fusées de l’époque, membres de la VfR : Rudolf Nebel, Klaus Riedel et Wernher von Braun. Poussés par la crise économique qui fait ravage et pensant que les moyens techniques de l’armée permettraient de faire avancer la recherche spatiale, ils acceptent tous trois d’intégrer l’équipe de Kummersdorf.

 

« Ce que nous découvrîmes en ce lieu écarté excita notre envie et aussi notre admiration. Nous avions devant nous, une station parfaite pour les chambres de combustion des fusées à combustible liquide (…) En comparant avec notre tanière de Reinickendorf (la « Raketenflugplatz ») nous aurions dû avoir des complexes d’infériorité. » Wernher von Braun

 

 

  

 

En 1933, l’arrivée d’Hitler au pouvoir met un terme aux activités de la VfR, si bien que les fusées deviennent un domaine exclusivement sous contrôle de l’Armée. Grâce aux énormes budgets attribués par le régime nazi aux programmes d’armements, l’Armée de Terre (Wehrmacht) renforce considérablement son centre de développement  des fusées à Kummersdorf.

 

 Sous la direction de Braun, des moteurs de fusées à propergol liquide de plus en plus puissants sont développés. Ils se fixèrent en premier objectif de mettre au point un moteur de fusée développant une poussée de 300kg. Ce moteur, qui brûlait de l’oxygène liquide et un mélange de 75% d’alcool éthylique et de 25% d’eau explosa le 21 décembre 1932. Le groupe ne tarde pas à en trouver la cause : la combustion, par la chaleur, a gagné les pompes ; la chambre de combustion doit être refroidie. Le concept de ce moteur est alors repris et amélioré avec une poussée de 320kg (la chambre de combustion est désormais refroidie par une circulation d'alcool) et donne ainsi naissance à leur première fusée volante : l’ « Aggregat 1 » ou A-1 (1,4m de long et 150kg). Bien que les résultats ne soient pas satisfaisants (beaucoup explosent avant même de décoller), ils sont tout de même encourageants et poussent les ingénieurs à construire l’A-2, de même dimension, utilisant un moteur plus performant ayant un gyroscope (capteur de position angulaire permettant de stabiliser la fusée) plus efficace, étant placé au centre de gravité de la fusée.

 

Les essais de tir en décembre 1934 sur l’île de Borkum dans la mer du Nord sont des réussites : les A-2 atteignent une altitude de 2200m. Cet évènement ôte les derniers doutes dans l’esprit des dirigeants de Kummersdorf sur Braun, qui a définitivement fait ses preuves, et sur l’efficacité de la propulsion à réaction.

 


 

  La Luftwaffe s’intéresse à ces armes d’un nouveau genre et commencent à financer elle aussi le projet. En août 1935, le groupe de Dornberger reçoit de l’Etat, plus précisément de la Luftwaffe, cinq millions de marks et plus six millions de marks de la part l’Armée de Terre, soit 11 millions de marks au total, une somme énorme, pour développer un moteur fusée toujours plus puissant. Le groupe de Kummersdorf dessine alors la fusée A-3, une très grande fusée expérimentale pour l’époque, un monstre de quatre-vingt centimètres de diamètre et de plus de sept mètres de haut qui doit déboucher après essais et mise au point sur une fusée opérationnelle, l'A-4, qui doit monter à 90 kilomètres à la verticale, chargée de neuf tonnes de propergols et d’une tonne d’explosif.

 

  Ces dernières fusées et leurs réserves en oxygène liquide sont si imposantes qu’elles présentent le risque en cas d’explosion de détruire leur site de lancement.

 

 

 

  De la même façon, le stockage des propergols nécessaire à leur exploitation constitue à lui seul un risque d’explosion important. Si près de la capitale, Kummersdorf ne semble pas le meilleur endroit pour ces essais. C’est pourquoi en décembre 1935 Wernher von Braun se rend sur la côte de Poméranie à la recherche d’un site favorable. Il le trouve à Peenemünde, dans l’île d‘Usedom sur la mer Baltique, lieu intéressant par ses trajectoires dégagées et favorables au secret.

 

 



Créer un site
Créer un site