Le V2 : entre innovation

et destruction

Le développement du V2

 
 

 Les expérimentations de l’A-4, futur V2

   Dès 1936, l’équipe de Dornberger commençait à dessiner les plans du futur Aggregat 4 (ou A-4) ; mais les connaissances techniques sur les fusées étaient encore trop restreintes pour construire cet engin complexe de 22 000 pièces. Avec la réussite des A-5, les espoirs de l’Armée sur une « bombe volante » ultra-destructrice sont ravivés, le projet de l’A-4 reprend.

  L'A-4 fait 14m de haut pour 1.65m de diamètre, il pèse 14 tonnes au décollage (dont 4t de carburants, 4t de comburants et 1t de charge explosive) avec une poussée fantastique de 25t grâce à un moteur d’une énorme puissance pour l’époque. Il atteint son apogée à 90km d’altitude. Sa vitesse maximale est de 5535 km/h sur une portée de 290 à 300km ce qui le rend interceptable ni par la D.C.A. des alliés (Défense Contre Aéronef) ni par un chasseur : il était beaucoup trop rapide.

 

Nous passons ici à une description technique de l’A-4 :

 

 

 - La tête, en forme d’ogive contient de l'amatol, explosif constitué de 60% de trinitrotoluène (C7H5N3O6) et de 40% de nitrate d'ammonium (NH4NO3). L’A-4 peut en transporter 1 tonne.

 

 -Les appareils (gyroscopes, accéléromètres, calculateurs électroniques), installés dans un compartiment à l’avant de la fusée assurent le contrôle et le pilotage de l’engin. Ils transmettent des corrections de trajectoire pendant le vol à des ailerons aérodynamiques situés à la base de l’empennage et à 4 volets en graphites situés dans le flux de gaz de la tuyère permettant à l’A-4 de rester équilibré durant la phase propulsée.

 

 -Le carburant comprend 75% alcool éthylique et 25% d’eau, le comburant utilisé est l’oxygène liquide. Les réservoirs sont d’une contenance de quatre tonnes pour le mélange alcool/eau tout comme pour celui contenant l’oxygène liquide. Ils sont situés au milieu de la fusée, près du centre de gravité de celle-ci, parce que les réservoirs, pleins, représentent 57% de la masse totale du A-4, ce qui permet un meilleur équilibre des masses.

 

  La chambre de combustion était l’emplacement où le combustible et le comburant étaient mélangés et enflammés. La chambre de combustion doit assurer les fonctions suivantes:

- Mélanger les ergols venant du système d'alimentation

- Permettre la réaction chimique entre ces ergols

- Accélérer les gaz de combustion vers la tuyère.

  Les combustibles et comburant étaient envoyés dans la chambre par des injecteurs, au nombre de dix-huit. L’arrivée principale d’alcool se faisait par un unique conduit situé au centre et au sommet de la tête. Chaque injecteur était constitué de rangées de petits orifices censés pulvériser l’oxygène et l’alcool, au total 2160 orifices pour les dix-huit injecteurs d’oxygène liquide (soit 120 orifices par injecteur) et 1224 pour l’injecteur d’alcool.

 

 

  L’alcool (le carburant) et l’oxygène (le comburant) se mélangent dans la chambre de combustion où ils s’enflamment instantanément. Quatre tonnes d’alcool et 5 tonnes d’oxygène liquide sont ainsi consommées en moins d’une minute, provoquant l’échappement d’une flamme de plus de 15 mètres. Le moteur assure donc la propulsion à réaction de la fusée, y compris dans les couches peu denses de l’atmosphère.

  La propulsion de l’A-4 s’explique par la réaction qui s’effectue entre l’éthanol et l’oxygène liquide : voici l’équation bilan de la réaction :  

C2H6O + 3O2 = 2CO2 + 3H 2O

Il y a alors formation de CO2 et de H2O, gaz enflammés qui s’éjectent et propulsent la fusée.

Pour plus d'information sur le choix de l'oxygène liquide dans les  fusées, nous vous encourageons à visionner la vidéo sur le site de l'Ina (nécessite Quick Time 5 ou supérieur).

 

 

  Lorsque comburant et carburant réagissent, nous avons vus qu’il y avait formation de gaz, ceux-ci sont alors évacués vers la sortie de la chambre. Pour accélérer les gaz, ce qui permet d’augmenter la puissance de la fusée puisque celle-ci est définie par la formule :

Force = Vitesse d’éjection des gaz X variation de masse.

  Les ingénieurs utilisèrent un venturi : c’est la partie de la chambre où le diamètre se réduit puis s’agrandit. Cette réduction du diamètre se traduit par une augmentation de la pression à son niveau ce qui pousse les gaz à s’échapper plus vite de la chambre : la vitesse d’éjection des gaz augmente.

 - Le circuit de refroidissement : c’est l’alcool qui permet le refroidissement de la chambre de combustion, celui-ci est aspiré du réservoir d’alcool/eau par une des deux pompes, alimenté par la turbo-pompe et envoyé, par l’intermédiaire de six tuyaux, dans l’intervalle  entre les deux parois de la chambre de combustion. En effet, cette dernière était constituée d’une double paroi avec un fin intervalle entre les deux, qui permettait à l’alcool (froid comparativement à la température interne de la chambre de combustion) de refroidir la tuyère. De plus, par mesure de protection, la paroi intérieure avait été percée de quatre rangées d’orifices bouchés par des pastilles « fusibles » en métal à faible température de fusion, ainsi lorsque le moteur chauffait trop, les pastilles fondaient et ouvraient le passage à l’alcool formant une pellicule froide qui se répandait sur toute la paroi de la tuyère.

 

 - La turbo-pompe : dans les premières fusées à combustibles liquides tels que les A-2, A-3, A-5, les comburants et combustibles étaient simplement mis en pression par la pression même des gaz situés à l’intérieur du réservoir. Or, pour une fusée de la taille du A-4, la pression à l’intérieur de réservoir, en utilisant cette technique, aurait dû être tellement importante qu’il aurait fallut des réservoirs plus résistants et donc plus lourds pour la supporter. Les ingénieurs parèrent cela en intégrant une turbo-pompe, c’était en fait une turbine à vapeur (dispositif rotatif destiné à utiliser la force d'un gaz qui la convertit en énergie mécanique pour entraîner un récepteur rotatif) associée à deux pompes rotatives. La turbine à vapeur fonctionnait grâce au fort dégagement de vapeur dégagée par réaction du peroxyde d’hydrogène avec du permanganate de potassium (l’important dégagement de vapeur est illustré par l’utilisation de cette même réaction sur les rampes de lancement de 45mètres des Fi-103, celle-ci permettait de donner à l’avion la vitesse de 300km/h en bout de rampe). La turbine alimentait alors les deux pompes rotatives dont l’une injectait alors l’oxygène liquide dans la tuyère (par l’intermédiaire des injecteurs) et l’autre l’alcool, à la fois dans la tuyère et dans la double paroi.

 

 

 L’A-4 décolle verticalement à partir d’une table de tir baptisée « presse citron » puis s’incline de 49°, car les ingénieurs avaient calculé que la portée maximale était obtenue en suivant cet angle, il est propulsé par son moteur pendant environ 5 minutes, puis la fusée poursuit sa trajectoire par une phase balistique.  

 

  Conçu en 1936, sa fonction (arme de terreur, frappant les civils londoniens) sera définie en 1941, il sera alors sur la liste des « attributions de matériaux prioritaires », et bénéficiera du soutien personnel d’Hitler et de son ministre de l’armement Albert Speer. Afin de conserver ces attributions prioritaires de matériaux et de main-d’œuvre, Dornberger et Von Braun multiplièrent les visites organisées de hauts responsables de la Wehrmacht et de l’état nazi. Le scénario est théâtral: copieux déjeuner bien arrosé, visite des installations, essai de moteur en point fixe et enfin lancement d’un A-4.

  Sur le site de Peenemünde, l’été 1942 voit les premiers essais de la fusée A-4, un projet dont le développement dure depuis plus de deux ans maintenant. Plusieurs expérimentations ont lieu mais les résultats sont peu satisfaisants. Les ingénieurs éprouvent de grandes difficultés pour résoudre les problèmes que posent le A-4, et notamment les explosions en vol lors de la rentrée dans les couches denses de l’atmosphère. Deux années seront alors nécessaires pour passer de prototype au déploiement opérationnel.

                                                

 

 

 

  Une grosse pression est alors mise sur l’équipe de Wernher von Braun en octobre 1942 pour les essais de réception officiels. Le 3 octobre 1942, un A-4 est prêt à être lancé, sur le pas de tir n°7 au nord de la base de Peenemünde, devant des membres de l’Armée allemande. Ce 4ème lancé fut une réussite totale ; le premier avait explosé pendant les essais statiques, le deuxième et le troisième furent tout deux des échecs. Les représentants militaires sont là, aux côtés de Walter Dornberger, Von Braun et leurs ingénieurs et techniciens. Dans le vacarme de son moteur de 25 tonnes de poussée, la fusée s’élève pendant quatre secondes et demie, puis comme prévu, s’incline doucement vers l’est. Après avoir franchi le mur du son, la fusée atteint l’altitude maximale de 83 kilomètres à l’issue de sa trajectoire hyperbolique, une vitesse de 1.340 mètres par seconde (soit près du mach 4) et franchit une distance de 192 kilomètres. Pour la première fois, un objet fabriqué par l’homme a pénétré dans l’espace.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Dornberger célèbrera l’événement plus tard en déclarant :

« Nous avons envahi l’espace avec notre fusée, et pour la première fois nous avons utilisé l’espace comme pont entre deux points à la surface de la terre ; nous avons prouvé que la propulsion par fusée était utilisable pour se déplacer dans l’espace. A la terre, la mer, et l’air il faut maintenant ajouter l’espace comme zone de déplacement pour les voyages du futur. »

Et ajoute : « Aussi longtemps que durera la guerre, notre première mission sera de perfectionner rapidement la fusée afin qu’elle devienne une arme. »

 

  Ce succès survint lors des premiers échecs de l’armée allemande (Stalingrad…). De plus, chaque jour des bombardements alliés ont lieux, retranchant les Allemands sur la défensive. Désormais, l’A-4 peut jouer un rôle stratégique et déterminant sur le cours de la Guerre. Albert Speer, ministre de l’armement convint Hitler de l’utilité de ces « armes secrètes », en lesquelles il fonde tout ses espoirs sur une victoire écrasante contre les Alliés. Le 7 juillet 1943, Dornberger et Werner Von Braun furent convoqués en urgence au Q.G. du Führer, qui donne alors la priorité absolue au programme des fusées A-4. Le A-4 sera choisi parmi les autres projets de fusées pour sa simplicité de fabrication en série. L’A-4, devenu prioritaire, est rebaptisé « Vergeltungswaffe 2 », l’arme de vengeance n°2 : le V2.

 

 « Pour la première fois, un objet fait de la main de l’homme a quitté l’atmosphère et atteint l’espace. » Von Braun

« L’A-4 est un engin qui peut décider du sort de la Guerre » Hitler

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Afin d'envahir nous aussi l'espace, nous avons, à notre echelle, nous même tiré nos propres fusées... à eau! (cf : une page est consacrée sur nos expériences dans la rubrique "sources et annexes"). Cette vidéo prouve un certain nombre d'éléments de physique évoqués précédemment. Pour pouvoir visionner la vidéo, attendez que la barre rouge soit remplie entièrement, et mettez la en plein écran pour lire les commentaires...




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